Quand on parle de santé au travail, tout le monde relève son importance. Des formations de management pour développer les compétences humaines et sociales sont mises sur pied. On pense à doter la salle de pause de fruits voire d’un coin de relaxation. Malgré ces initiatives, on ne parvient pas toujours à baisser, voire prévenir les atteintes physiques et psychiques sur la santé des collaboratrices et collaborateurs. Le problème provient de la manière de concilier concrètement et systématiquement les objectifs de son travail, et la santé. Car de retour à son poste de travail, les bonnes résolutions s’étiolent, par manque de temps, de place ou d’organisation. Se pose dès lors la question : comment passer des déclarations d’intention et des recettes de management, à la mise en place pérenne d’organisation de travail favorisant la santé au travail ?
J’ai reçu cette question de départ par un directeur des ressources humaines, soucieux d’assurer un environnement sain au personnel. Dans cette entreprise, de nombreuses actions en faveur de la santé au travail étaient déjà mises en place. Cependant, il manquait le fil rouge dans le système de management en place qui garantissait la cohérence de l’ensemble. Dans ce cas de figure, on peut se baser sur un modèle d’analyse de la santé au travail, qui se nomme le Friendly Work Space de Promotion Santé Suisse[1]. Ce modèle donne les lignes directrices à ancrer dans la stratégie de l’entreprise, afin de déployer de véritables conditions favorisant la santé au travail. En agissant sur les comportements, sur les structures et sur l’organisation de l’entreprise, ce modèle cherche à développer un climat de travail favorable à la santé. Grâce à un outil d’auto-évaluation[2], l’entreprise peut estimer son niveau de développement par rapport aux différentes thématiques proposées. Il est également le seul label suisse reconnu récompensant la gestion réussie de la santé en entreprise. Ce label ne permet pas d’assurer le risque zéro de stress, de burn out ou encore d’harcèlement, mais offre la garantie de mettre en place les structures et l’organisation de travail qui favorisent la santé de l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs.
Dernièrement, j’ai donné une formation aux cadres dans une entreprise sur le management favorisant la santé. En effet, le comportement des supérieur-e-s peut être un rempart contre les atteintes à la santé, par un management bienveillant, à l’écoute et offrant de la reconnaissance. Par le biais de divers exercices et apports théoriques, l’idée était d’aider les managers à ajuster leur posture, leur attitude notamment suite à un retour d’un collaborateur qui était absent. S’il est important et utile de développer le comportement individuel des managers, j’ai constaté que ce comportement n’est pas toujours rendu possible par les conditions mêmes de l’entreprise et la répartition du travail. Il se peut que l’entreprise soit organisée de telle sorte qu’elle rende difficile le fait d’apporter de la reconnaissance, par manque de moyens financiers ou de pouvoir de décision ; ou de l’écoute, par manque de temps des managers envers leurs employé-e-s. A l’évidence, il est nécessaire de s’intéresser également aux conditions qui permettent à ces managers de réellement adopter ces postures et ces attitudes. Sinon, le risque existe que la formation reste lettre morte. Comme nous l’explique Olivier Tirmarche[3] dans son livre, il vaut mieux postuler de l’intelligence des personnes en place que de leur ignorance ou leur manque d’humanisme. Si les managers se comportent comme ils le font, cela peut être parce que les conditions, les structures et l’organisation du travail les obligent à se comporter de la sorte. C’est pourquoi, il est utile suite à un diagnostic de l’entreprise quant à ses risques psychosociaux, d’analyser la structure et le fonctionnement de l’entreprise, afin de la conseiller tant au niveau psychologique qu’organisationnel.