Réussir à dormir

Publié par Cathrine Mathey le

Le sommeil est devenu un thème à la mode et plusieurs articles ont été consacrés ces derniers mois à expliquer l’importance du sommeil pour améliorer sa santé et sa performance. Des entreprises proposent des cours sur le sommeil à leurs collaborateurs et de nombreux gadgets ou applications peuvent être achetées dans ce domaine. Doit-on regretter que le sommeil, dernier bastion de liberté en dehors du contrôle et de la mesure de la performance, soit tombé dans la logique commerciale et de la performance ? Ou doit-on se réjouir que les progrès scientifiques et statistiques réalisés ces vingt dernières années sur le sommeil profitent au plus grand nombre de personnes ?

Il se trouve que les Suisses dorment 40 minutes de moins qu’il y a 30 ans[1] et qu’entre un tiers et un quart des Suisses souffrent de troubles du sommeil[2]. La multiplication des activités sociales en fin de journée ainsi que l’utilisation des écrans générant une lumière bleutée artificielle sont cités pour expliquer cette réduction du temps passé dans les bras de Morphée. Quant aux troubles du sommeil, de nombreuses causes sont avancées, telles que les problèmes d’organisation du travail ainsi que le manque d’exposition à la lumière naturelle par exemple.

Or, avec le sommeil, on explore un champ qui est justement en dehors de la performance, où l’on ne doit pas produire, mais au contraire viser la détente et le laisser-faire. Il fait partie de notre sphère intime et même inconsciente. Ce qui se passe pendant notre sommeil nous regarde personnellement et fait partie de notre jardin secret. Il permet à notre corps de se régénérer et à notre imagination de se laisser aller au travers de rêves bizarres ou fertiles.  En acceptant de s’ouvrir sur ce thème dans l’entreprise ou au travers d’appareils de mesures (montres connectées, applications, …), tout se passe comme si nous touchions aux derniers recoins de notre vie privée, au dernier moment où l’entreprise ne peut pas nous joindre par courriel ou les appareils connectés nous mesurer et nous comparer.

Cependant, on le sait, le sommeil exerce une influence décisive sur la santé physique et psychique, de même que sur les performances. Les recherches scientifiques des dernières années nous permettent de mieux comprendre ce qui se passe durant le sommeil et ses fonctions principales. On connaît ainsi de mieux en mieux les mécanismes impliqués dans cette phase de notre vie où les relations sociales sont suspendues. Si l’on connaît et applique les principes de base pour une bonne hygiène du sommeil, on peut régler jusqu’à 80% des troubles du sommeil. Ce serait dommage de se priver de ces connaissances.

Alors bien sûr, les entreprises qui offrent de tels cours à leurs collaborateurs ne le font pas seulement pour leur bien-être individuel, mais avec la visée de réduire le risque d’accidents et de favoriser leur santé et par là-même leur performance au travail. Devrait-on se priver de cours sur la gestion du stress sous prétexte que cela sert simplement à augmenter la performance de l’entreprise ?

En définitive, je soutiens qu’il existe un chemin qui engage une double responsabilité. D’une part, celles des collaborateurs qui doivent pouvoir obtenir, si ils le désirent, des informations et conseils pour favoriser un sommeil réparateur. Si cela fonctionne pour soi, tant mieux. Et si en deuxième ressort, c’est utile pour l’entreprise, ce n’est pas une tare. D’autre part, la responsabilité de l’entreprise qui doit questionner l’impact de son fonctionnement  sur la qualité du sommeil de ses collaborateurs.

[1] Selon une étude publiée fin 2014 par les Universités de Zurich et de Bâle ainsi que par l’Office fédéral de l’environnement.

[2] Selon un rapport de l’Office fédéral de la statistique (OFS) basé sur l’enquête suisse sur la santé 2012.

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