Trouver du sens dans son travail

Publié par Cathrine Mathey le

L’autre jour, en faisant la queue, masquée, à un guichet postal, j’ai eu tout le loisir d’observer ce qui se passait autour de moi. Une cliente se présente au guichet pour obtenir la transaction désirée, tout en poursuivant son appel téléphonique. L’interaction est entrecoupée par la difficulté à se comprendre, tant à cause du masque que du manque d’attention de la cliente. L’employée postale se retourne vers ses collègues, va leur parler à l’oreille, plaisante avec eux. Je fais l’hypothèse qu’elle se plaint de sa cliente qui veut obtenir le service attendu tout en continuant à téléphoner. Cette hypothèse est confirmée un peu plus tard, lorsque l’employée dit à sa cliente que ce serait plus simple si elle n’était pas pendue au téléphone. La cliente ne réagit pas et continue à parler au téléphone en encaissant l’argent dû en retour, et s’en va.

A première vue, il n’est pas évident de trouver du sens à un métier de service quand le client ne nous considère pas. La personne pour laquelle on opère une tâche, n’est pas vraiment présente, et considère son répondant comme une borne informatique. Heureusement, dans ce cas, il y a les collègues qui représentent un bon soutien. Ils comprennent la situation et rigolent – sous masque ou sous cap – avec l’employée et lui témoignent de ce fait leur solidarité. D’un autre point de vue, on pourrait se demander si l’organisation des tâches et le flux de travail organisé par l’entreprise ne sont pas également responsables du fait d’être pris pour une borne informatique par les clients. La relation avec le client est minutée, pressée par la file des clients et les exigences économiques, dans un environnement physique où l’automatisation de transactions postales gagne du terrain (borne pour l’envoi automatique de colis, borne automatique pour le trafic de paiement, etc). Dès lors, la place faite à la relation s’amenuise et les transactions se déshumanisent. Pour continuer à trouver du sens à son travail – à se sentir en résonance avec son travail – on peut compter sur un moral d’acier… ou de bons collègues !

Cependant, si les bons collègues disparaissent, et que les signaux de reconnaissance des supérieurs s’étiolent, le risque est d’arriver à un point de saturation : l’employé reste opérationnel, remplit ses objectifs de productivité, mais perd le contact intime avec son activité, la raison d’être de son activité. Ainsi, il se peut que l’employé adopte une attitude cynique à l’égard de son travail, attitude qui est souvent annonciatrice d’un burn out. Comme le dit Hartmut Rosa, « cela peut prendre un tour particulièrement dramatique quand tous les autres axes de résonance – la famille, les amis, l’engagement politique, l’activité bénévole, la musique – ont déjà été sacrifiés à la force d’aspiration de plus en plus puissante de la sphère du travail. »[1]

Et vous, quel est le sens que vous trouvez dans votre travail ? Quelles cordes vibrent en vous lorsque vous travaillez ?

[1] Harmut Rosa, Résonance, une sociologie de la relation au monde. Editions La découverte, Paris, 2018.

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